Stop aux étiquettes faciles : comprendre les relations toxiques

Combien de fois ai-je entendu des personnes séparées qualifier leur ex de « pervers narcissique » ? Les relations toxiques existent bel et bien — certaines peuvent être très dommageables. Mais cela ne signifie pas que tout comportement manipulateur, égoïste ou blessant relève de ce que l’on croit être un « pervers narcissique ».

Un terme souvent mal utilisé

D’abord, précisons un point essentiel : « pervers narcissique » n’est pas un diagnostic reconnu dans les manuels de référence en psychiatrie (comme le DSM-5 ou la CIM-11). Ce terme, popularisé dans le langage courant, mélange des notions cliniques distinctes et manque de rigueur.

En revanche, le trouble de la personnalité narcissique (TPN) est un diagnostic officiel. Il concerne des personnes présentant, de façon durable et envahissante, un besoin excessif d’admiration, un manque marqué d’empathie, et une surestimation de leur propre importance. Mais même ce trouble ne décrit pas nécessairement une « manipulation systématique » ou une « soif de domination » — des traits plus proches du trouble de la personnalité antisociale.

En réalité, les cas de personnalités pathologiques avérées sont rares. Et les comportements toxiques dans les couples relèvent le plus souvent de dynamiques relationnelles complexes, non de pathologies psychiatriques.

Pourquoi cette confusion pose problème

Utiliser « pervers narcissique » comme étiquette pour tout partenaire difficile a plusieurs effets négatifs :

  • Cela banalise la souffrance des personnes confrontées à des troubles de personnalité réels.
  • Cela empêche de voir ce qui, dans la relation, relevait de schémas partagés, de projections, ou de répétitions inconscientes.
  • Cela fige l’autre dans un rôle de « méchant », ce qui rend plus difficile la compréhension de ce qui s’est vraiment joué — et donc la capacité à agir différemment à l’avenir.

Les troubles de la personnalité, dans leur ensemble, concernent environ 10 % de la population générale. Le trouble narcissique, quant à lui, est bien plus rare : il toucherait moins de 1 % des personnes. Le concept de « pervers narcissique », souvent utilisé dans le langage courant, ne correspond à aucun diagnostic clinique validé — et ne peut donc faire l’objet d’aucune estimation épidémiologique. La grande majorité des conflits conjugaux, même intenses, n’ont donc rien à voir avec une pathologie mentale avérée.

Observer plutôt qu’étiqueter

Plutôt que de coller une étiquette, il est plus utile de se demander :
– Quels comportements étaient problématiques ?
– Quelles réactions ai-je eues en retour ?
– Quels schémas se sont répétés, chez moi comme chez l’autre ?

Ce travail d’observation permet de sortir de la victimisation ou de la culpabilisation, et de reprendre une part de responsabilité — non pour porter la faute, mais pour comprendre ce qui a permis à cette dynamique de s’installer.

Un accompagnement professionnel peut aider à clarifier ces mécanismes, sans dramatisation, sans diagnostic à l’emporte-pièce.

Comprendre pour choisir autrement

Comprendre ce qui s’est passé ne signifie pas excuser les comportements inacceptables. Cela permet simplement de ne pas les reproduire — ni en les subissant, ni en les reproduisant soi-même.

Et vous ? Plutôt que de chercher un nom à poser sur l’autre, seriez-vous prêt(e) à regarder ce qui s’est joué — vraiment ?